La prédication, souffle du christ et cri de l’église – entre tradition catholique, réforme protestante et mystère orthodoxe
Introduction : “Et la Parole s’est faite Prédication”
“Il leur dit : Allez dans le monde entier, proclamez l’Évangile à toute la création.” (Marc 16:15)
Imaginez un instant. Une petite synagogue de Nazareth, un rouleau d’Isaïe qui se déroule sous des doigts calleux, une voix qui brise le silence : “Aujourd’hui, cette Écriture s’accomplit.” (Luc 4:21) En cet instant, la prédication n’est plus un simple discours. Elle devient un acte sacré, une explosion de grâce, un feu qui consume et transforme. Jésus ne parle pas de Dieu – Il est la Parole de Dieu, et sa prédication est l’écho de sa propre présence.
Pourtant, deux mille ans plus tard, comment cette flamme initiale se propage-t-elle à travers les traditions chrétiennes ? Entre la solennité liturgique de Rome, la ferveur évangélique des assemblées protestantes, et le mystère contemplatif de l’orthodoxie, la prédication reste-t-elle un seul et même souffle ? Ou bien chaque famille spirituelle en a-t-elle saisi une facette unique, comme les fragments d’un vitrail qui, ensemble, forment la lumière du Christ ?
Ce voyage nous mènera des bancs de la synagogue de Capernaüm aux autels du Vatican II, des chaires luthériennes aux icônes byzantines. Nous explorerons comment la prédication – kerygma en grec, cette proclamation audacieuse du Royaume – est à la fois un acte du Christ et un acte de l’Église, un pont entre le Ciel et la terre, une urgence qui ne tolère ni tiédeur ni silence.
Prêts à entendre l’appel ? “Celui qui a des oreilles, qu’il entende !” (Matthieu 11:15)
Première Partie : “La Prédication comme Acte du Christ – Quand Dieu Parle par des Lèvres Humaines”
1.1 – “Le Kerigma : Le Cœur Battant de l’Évangile” — Le fondement du message des apôtres 🔥
“Nous vous annonçons ce que nous avons vu et entendu.” (1 Jean 1:3)
1 Jn 1:1-4 Nous vous annonçons le message de celui qui est la vie. Nous vous annonçons ce qui était dès le commencement : nous l’avons entendu, nous l’avons vu de nos propres yeux, nous l’avons contemplé et nos mains l’ont touché. – Celui qui est la vie s’est manifesté: nous l’avons vu, nous en parlons en témoins et nous vous annonçons la vie éternelle qui était auprès du Père et qui s’est manifestée pour nous. – Oui, ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons, à vous aussi, afin que vous aussi vous soyez en communion avec nous. Or, la communion dont nous jouissons est avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ. Si nous vous écrivons ces choses, c’est pour que notre joie soit complète.
Le mot grec kerygma (κήρυγμα) n’est pas une douce mélodie. C’est un cri de guerre, une déclaration solennelle, l’annonce d’un Roi qui arrive. Quand Jésus commence sa prédication en Galilée, Il ne murmure pas : “Le temps est accompli, le Royaume de Dieu est tout proche !” (Marc 1:15). C’est un ultimatum, une bonne nouvelle qui exige une réponse. Le kerygma n’est pas une théorie – c’est l’annonce que Dieu a agi : “Il est mort, Il est ressuscité, et nous en sommes témoins !” (Actes 2:32).
Mais attention : ce n’est pas une prédication sur Jésus. C’est Jésus Lui-même qui prêche à travers Ses disciples. Comme le souligne le Catéchisme de l’Église Catholique (CEC §75) : “Le Christ est la Parole unique, parfaite et définitive du Père.” Ainsi, quand Pierre se lève à la Pentecôte, ce n’est pas Pierre qui parle – c’est l’Esprit du Christ qui reprend souffle dans sa bouche. “Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi.” (Galates 2:20).
1.2 – “L’Autorité qui Étonne les Foules – Quand la Parole Devient Puissance”
“Il enseignait comme ayant autorité, et non pas comme les scribes.” (Matthieu 7:29)
Pourquoi les auditeurs de Jésus étaient-ils “frappés de stupeur” ? Parce que Sa prédication n’était pas un discours religieux de plus. Elle était accompagnée de signes : les démons hurlent, les malades se lèvent, les pécheurs sont pardonnés. “En mon nom, ils chasseront les démons… ils imposeront les mains aux malades, et ceux-ci seront guéris.” (Marc 16:17-18).
La prédication authentique n’est jamais séparée de la puissance. Comme le rappelle Saint Jean Chrysostome : “Un prédicateur sans miracles est comme un soldat sans armes.” Pourtant, attention à ne pas confondre spectacle et signe. Les miracles ne sont pas des preuves, mais des manifestations de la présence du Royaume. Quand Jésus guérit le paralytique, Il ne dit pas : “Regarde comme je suis puissant !” Mais : “Tes péchés sont pardonnés.” (Marc 2:5). La prédication est d’abord une parole qui libère, qui guérit l’âme avant le corps.
Et aujourd’hui ? Où sont les prédicateurs dont la parole agit ? Pas seulement en émouvant, mais en transformant ? Comme le disait le Père Raniero Cantalamessa, prédicateur de la Maison Pontificale : “Une homélie sans Esprit-Saint est comme un corps sans âme.”
💡 Pour aller plus loin :
- Bible : Marc 1:21-28 (Jésus à Capernaüm), Luc 4:16-30 (Rejet à Nazareth)
- Catéchisme : CEC §§ 74-75 (Le Christ, Parole définitive du Père)
- Saint Jean Chrysostome, Sur la Prédication (IVe siècle)
Deuxième Partie : “La Prédication comme Acte de l’Église – Quand l’Assemblée Devient Bouche du Christ”
2.1 – “Vatican II : L’Église, Sacrements et la Parole”
Le Concile Vatican II a marqué un tournant : la prédication n’est plus réservée aux clercs. “Tous les fidèles, clercs, religieux et laïcs, sont appelés à annoncer l’Évangile.” (Lumen Gentium §35). Mais attention : ce n’est pas une démocratisation humaine de la parole, c’est une reconnaissance que l’Esprit souffle où Il veut (Jean 3:8).
Le Catéchisme précise : “Les laïcs ont le droit et le devoir de proclamer l’Évangile.” (CEC §900). La prédication des laïcs n’est pas un plan B, mais une nécessité vitale. Comme le disait Saint François d’Assise : “Prêche l’Évangile en tout temps, et si nécessaire, utilise des mots.” Pourtant, une prédication sans enracinement dans l’Église risque de devenir un discours humain, vide de la présence du Christ.
La vocation des laïcs
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» La vocation propre des laïcs consiste à chercher le règne de Dieu précisément à travers la gérance des choses temporelles qu’ils ordonnent selon Dieu (…). C’est à eux qu’il revient, d’une manière particulière, d’éclairer et d’orienter toutes les réalités temporelles auxquelles ils sont étroitement unis, de telle sorte qu’elles se fassent et prospèrent constamment selon le Christ et soient à la louange du Créateur et Rédempteur » (LG 31).
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L’initiative des chrétiens laïcs est particulièrement nécessaire lorsqu’il s’agit de découvrir, d’inventer des moyens pour imprégner les réalités sociales, politiques, économiques, les exigences de la doctrine et de la vie chrétiennes. Cette initiative est un élément normal de la vie de l’Église :
Les fidèles laïcs se trouvent sur la ligne la plus avancée de la vie de l’Église ; par eux, l’Église est le principe vital de la société. C’est pourquoi eux surtout doivent avoir une conscience toujours plus claire, non seulement d’appartenir à l’Église, mais d’être l’Église, c’est-à-dire la communauté des fidèles sur la terre sous la conduite du Chef commun, le Pape, et des Évêques en communion avec lui. Ils sont l’Église (Pie XII, discours 20 février 1946 : cité par Jean-Paul II, CL 9).
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Parce que, comme tous les fidèles, ils sont chargés par Dieu de l’apostolat en vertu du baptême et de la confirmation, les laïcs sont tenus par l’obligation et jouissent du droit, individuellement ou groupés en associations, de travailler à ce que le message divin du salut soit connu et reçu par tous les hommes et par toute la terre ; cette obligation est encore plus pressante lorsque ce n’est que par eux que les hommes peuvent entendre l’Évangile et connaître le Christ. Dans les communautés ecclésiales, leur action est si nécessaire que, sans elle, l’apostolat des pasteurs ne peut, la plupart du temps, obtenir son plein effet (cf. LG 33)…
2.2 – “Protestants et Évangéliques : La Prédication comme Urgence Eschatologique”
“Malheur à moi si je n’annonce pas l’Évangile !” (1 Corinthiens 9:16)
Chez les protestants, la prédication prend une dimension urgente. Pas de messe, pas de sacrements sans la Parole prêchée. Luther disait : “L’Église est une bouche qui prêche le Christ.” Pour les réformateurs, la prédication est l’acte central du culte – bien plus que l’eucharistie (souvent réduite à un mémorial).
Les évangéliques poussent cela plus loin : la prédication doit être “existentielle”, touchant le cœur. Comme le disait Billy Graham : “Une prédication sans conversion est comme un feu sans chaleur.” Pourtant, le risque est grand : quand la prédication devient performance, quand le prédicateur est une star, quand l’émotion remplace la vérité.
Martin Luther: « Laisser agir Dieu et sa parole, le cœurs des hommes…
La citation que vous évoquez de Martin Luther s’inscrit dans sa théologie centrale de la justification par la grâce seule (sola gratia) et de l’autorité exclusive de l’Écriture (sola Scriptura).
“Laisser agir Dieu et sa parole, [et] le cœur des hommes…” Cette phrase résume deux piliers de la Réforme protestante :
- Passivité humaine face à la grâce : Luther insiste sur l’incapacité de l’homme à se sauver par ses œuvres (cf. Épître aux Romains 3:20-28). Le salut est un don divin, reçu par la foi, sans mérite humain.
- Puissance transformatrice de la Parole : La Bible, comme Verbum Dei (Parole de Dieu), agit directement sur les cœurs (cf. Hébreux 4:12). Luther rejetait l’idée que l’Église ou les traditions humaines puissent médiatiser cette relation.
- La Parole de Dieu est comme une épée : elle ne peut être maniée sans blesser ou tuer, mais elle guérit ceux qu’elle frappe. (Tischgespräche, ‘Coversation de Table’)
- Le passage pertinent se trouve dans l’édition de Weimar (WA TR 3, Nr. 3238) et se lit à peu près comme suit (dans une forme modernisée en allemand) :
„Das Schwert ist Gottes Ordnung, und es ist ein Schwert, das heilt. Denn wenn der Böse nicht gestraft würde, so würde er die Guten auffressen. Also ist das Schwert nicht allein ein Werkzeug des Zorns, sondern auch der Barmherzigkeit, weil es die Frommen schützt und die Gottlosen züchtigt.“
- Le passage pertinent se trouve dans l’édition de Weimar (WA TR 3, Nr. 3238) et se lit à peu près comme suit (dans une forme modernisée en allemand) :
Variante connue : Luther écrit dans le Grand Catéchisme (1529) :
“Je crois que je ne peux par ma raison ni par mes forces croire en Jésus-Christ mon Seigneur ou venir à Lui, mais le Saint-Esprit m’a appelé par l’Évangile, éclairé de ses dons, sanctifié et conservé dans la vraie foi.”
Élisabeth Parmentier, théologienne protestante française spécialiste de Luther et des questions de genre en théologie et un travail approfondi sur l’herméneutique (l’art d’interpréter les textes bibliques) et la réception de la Parole de Dieu.
Citation d’Élisabeth Parmentier
« Il y a une différence considérable entre :
- Vouloir comprendre un texte (ce qui est déjà un but honorable),
- Se laisser transformer par lui (ce qui suppose une attitude de disponibilité, d’humilité, presque de “dépossession” de soi),
- Devenir soi-même un auditeur-acteur de la Parole, c’est-à-dire quelqu’un qui, après l’avoir reçue, la met en pratique et en témoigne.
La première approche relève de l’exégèse (savoir intellectuel) ; la deuxième, de la spiritualité (rencontre existentielle) ; la troisième, de l’éthique et de la mission (engagement concret). »
Pour aller plus loin
- Textes clés : 95 thèses, De la liberté du chrétien, Petit Catéchisme.
- Concepts : Sola Scriptura, Simul justus et peccator (“à la fois justifié et pécheur”), Priestertum aller Gläubigen (“sacerdoce universel”).
- Livres :
- Le Féminin et le Sacré (2014) – Sur la réappropriation des textes bibliques par les femmes.
- La Prédication, un défi pour l’Église (2009) – Réflexion sur l’art de proclamer la Parole.
- Articles :
- « L’herméneutique comme pratique de liberté » (Revue d’éthique et de théologie morale, 2016).
- Vidéos :
- Conférences sur YouTube (Protestants.org) (recherchez son nom).
Comparaison clé :
| Catholiques | Protestants | Orthodoxes |
|---|---|---|
| Prédication liturgique (homélie) | Prédication centrale (sermon) | Prédication mystique (icônes + parole) |
| Autorité : Magistère + Écriture | Autorité : Sola Scriptura | Autorité : Tradition + Écriture |
| Sacrement de la Parole (Vatican II) | Parole créatrice (Calvin) | Parole incarnée (icône du Verbe) |
2.3 – “Les Orthodoxes : Quand la Prédication Devient Icône”
“Ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons.” (1 Jean 1:3)
Dans l’orthodoxie, la prédication n’est pas seulement auditive – elle est visuelle. Les icônes sont des “sermons en couleur”, et le prédicateur est un “peintre de la Parole”. Comme l’écrivait Saint Jean Damascène : “Ce que le livre est pour ceux qui savent lire, l’icône l’est pour les illettrés – et pour ceux qui savent voir.”
La prédication orthodoxe est contemplative. Elle ne cherche pas à convaincre, mais à révéler. Comme le dit l’évêque Kallistos Ware : “Nous ne prêchons pas des idées, mais une Personne : le Christ.” Ainsi, le silence a autant d’importance que les mots. Une liturgie orthodoxe peut durer des heures, avec peu de parole, mais une présence palpable du mystère.
Pour aller plus loin :
- Vatican II : Dei Verbum (Constitution sur la Révélation Divine)
- Protestants : Luther, De la Liberté Chrétienne ; Calvin, Instituts de la Religion Chrétienne
- Orthodoxes : Vladimir Lossky, Théologie Mystique de l’Église d’Orient
Troisième Partie : “Vers une Prédication Unifiée ? Les Défis et les Espérances”
3.1 – “Ce Qui Nous Unit : Le kerygma, Cœur Commun de la Foi”
“Il n’y a qu’un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême.” (Éphésiens 4:5)
Malgré les différences, une vérité reste : le kerygma – l’annonce de la mort et de la résurrection du Christ – est le fondement commun. Que ce soit dans une cathédrale gothique, une megachurch évangélique ou une petite église orthodoxe, le message est le même : “Jésus est Seigneur !”
Comme le disait le cardinal Walter Kasper (président du Conseil Pontifical pour l’Unité des Chrétiens) : “Nos divisions sont réelles, mais notre unité dans le Christ est plus profonde.” La prédication devrait être le lieu où cette unité se manifeste.
3.2 – “Les Pièges à Éviter : Quand la Prédication Devient Idéologie”
“Garde-toi de vains discours.” (1 Timothée 1:6)
Trois écueils guettent la prédication aujourd’hui :
- Le moralisme : Quand on prêche des règles au lieu du Christ.
- Le spectacle : Quand le prédicateur devient une star (cf. les “télévangélistes”).
- Le relativisme : Quand on édulcore l’Évangile pour plaire au monde.
Saint Paul VI avertissait : “L’Église a besoin de prédicateurs qui brûlent, pas de fonctionnaires qui administrent.” (Evangelii Nuntiandi §41).
3.3 – “L’Appel Final : ‘Allez dans le Monde Entier !’” (Marc 16:15-18)
“Et voici que Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde.” (Matthieu 28:20)
Nous voici revenus au début. À l’appel qui ne tolère aucune excuse, aucune peur, aucun retard. “Allez ! Proclamez !” (Marc 16:15). La prédication n’est pas une option – c’est l’oxygène de l’Église.
- Pour les catholiques : Que nos homélies ne soient pas des discours pieux, mais des rencontres avec le Christ vivant.
- Pour les protestants : Que nos sermons ne soient pas des conférences, mais des appels à la conversion.
- Pour les orthodoxes : Que nos liturgies ne soient pas des musées, mais des portes ouvertes sur le Royaume.
Et pour nous tous, un rappel : “Ce n’est pas vous qui parlerez, c’est l’Esprit de votre Père qui parlera en vous.” (Matthieu 10:20).
💡 Conclusion : “La Prédication, ou l’Art de Devenir Bouche du Christ” “La parole de Dieu est vivante, efficace, plus tranchante qu’une épée à deux tranchants.” (Hébreux 4:12)
Alors, prêts à prêcher ? Pas avec nos mots, mais avec Ses mots. Pas avec notre force, mais avec Son Esprit. Pas pour notre gloire, mais pour Sa Gloire.
“Et Ils sortirent, et ils prêchèrent partout, le Seigneur agissant avec eux.” (Marc 16:20).
- Que cette parole soit aussi la nôtre.
🙏 Prière Finale (à méditer avant de prêcher) : 🙏
“Seigneur Jésus,
fais de ma bouche un instrument de Ta Parole,
de mon cœur un autel pour Ton Esprit,
et de ma vie un témoignage de Ta Résurrection.
Qu’en moi, ce soit
Toi qui parles,
Toi qui agisses,
Toi qui sauves.
Amen.”
Ecole de la Prédication, une formation pour vous !
Voici notre première week-end de formation à l’école de la prédication qui avait lieu au :
Centre Saint-Thomas, 2 rue de la Carpe Haute, Robertsau, à Strasbourg
Du samedi 15 novembre à partir de 9h30 au dimanche 16 novembre 17h
Si vous ne voyez pas la galerie ci-dessous,
cliquez-ici pour voir le réportage photo et la vidéo
du premier week-end de formation à l’École de Prédication à Strasbourg

























